Avec son adaptation de l’œuvre choc de Vanessa Springora, Sébastien Davis s’inscrit dans la continuité du mouvement #MeToo. Ici, la comédienne Ludivine Sagnier, accompagnée du musicien Pierre Belleville, n’incarne pas seulement le personnage de V., elle a également une parole à porter.
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Dès sa première lecture du Consentement, Sébastien Davis a su qu’il voudrait le porter à la scène. Lorsque l’autrice affirme vouloir « prendre le chasseur à son propre piège, l’enfermer dans un livre », le metteur en scène comprend alors que la riposte sera artistique. Et le verbe, au théâtre, peut nous permettre de « graver ces mots dans le marbre de nos vieilles habitudes ». Sur scène, l’ambiguïté de cette relation sous emprise entre une adolescente et un écrivain quinquagénaire est personnifiée par un mur de papier calque qui vient flouter le fond de scène. Le personnage de V. oscille alors entre cet espace trouble qui s’appelle l’adolescence et le réel de la scène, « ce lieu où l’on peut tout dire, tout vivre, tout questionner ». Dans un coin, un homme est tapi dans l’ombre. La tension est convoquée au rythme de sa batterie. Une présence indéniable. Une empreinte indélébile. Le texte remarquable de Springora interroge la notion, à la fois intime et sociale, de consentement. En prenant la forme d’une œuvre artistique, ce réquisitoire provoque un changement dans nos mentalités. Et cette ouverture, c’est précisément le fait de l’Art.
Texte Vanessa Springora
Mise en scène Sébastien Davis
Avec Ludivine Sagnier et Pierre Belleville (batterie)
Collaboration artistique Cyril Cotinaut
Création musicale Dan Lévy
Scénographie Alwyne de Dardel
Assistanat à la scénographie Sabine Rolland
Assistanat à la mise en scène Dayana Bellini
Lumières Rémi Nicolas
Régie générale Julien Alenda
Régie son Warren Dongué
Directrice de production Véronique Felenbok
Chargée de production Aliénor Suet
Presse Olivier Saksik
Production Sorcières&Cie
Coproduction Châteauvallon-Liberté, scène nationale / Théâtre de la Ville – Paris / Château Rouge, Scène conventionnée d’Annemasse
Création en résidence Le Liberté, scène nationale
Avec le soutien d’ADAMI Déclencheur, de la SPEDIDAM et de l’école Kourtrajmé
Photos © Laura-Marie Cieplik
Texte © Marie Minair
Janvier 2020. Le barrage a cédé. La parole est lâchée.
L’ère #metoo a libéré les françaises. Les langues se délient autour de moi. Les vérités s’assènent enfin. Les points de vue s’assument du coté des victimes. Je suis une sur deux, peu importe laquelle. Kouchner, Foïs, Springora, autant de témoignages dont je m’abreuve, tant il est important de se rassurer. Sur la similitude des histoires, sur celle des procédés des prédateurs. Qui manient avec tant d’habileté cette notion volatile qu’est le consentement. Vanessa Springora la place au cœur de son récit. Cette matière première mobile, frêle, supposément protectrice, mais qui se voit souillée, rabattue, écrasée, négligée à la moindre occasion. Ce consentement, ce rempart si fragile de la femme, de la jeune fille, du jeune garçon, cette promesse non tenue de la vie, cette frontière piétinée, à la guise d’un plus grand, d’un plus puissant. C’est cette matière que je veux explorer, exprimer, revaloriser, et partager bien sûr.
Avec Sébastien Davis, ami, frère de longue date, avec qui j’ai crée la section Acteurs/Actrices de l’école Kourtrajmé à Montfermeil dans le 93, qui rebat la notion d’égalité des chances, nous questionnons la centralisation de la culture et de la formation artistique en France. Lorsqu’il m’a proposé cette adaptation du Consentement, j’ai su que notre complicité et notre exigence mutuelle sauraient trouver la justesse pour soutenir ce projet et lui faire honneur.
Ludivine Sagnier
« Depuis tant d’années, je tourne en rond dans ma cage, mes rêves sont peuplés de meurtre et de vengeance. Jusqu’au jour où la solution se présente enfin, là, sous mes yeux, comme une évidence : prendre le chasseur à son propre piège, l’enfermer dans un livre. »
C’est par ces mots de Vanessa Springora que j’ai immédiatement su, dès ma première lecture du Consentement, que ce livre que je tenais entre mes mains sortait de l’ordinaire. Un livre ? La riposte allait donc être artistique.
Le Consentement, en affirmant dès le prologue qu’il allait avant tout être une œuvre artistique, provoque une déflagration au sein de notre société. Vanessa Springora n’est là ni pour se plaindre ni pour se venger des agissements d’un homme en particulier. Elle fait bouger les lignes d’une façon profonde et permanente. Il ne peut y avoir de retour en arrière. Quand la loi des hommes fait défaut (et c’est souvent le cas !), c’est par l’art qu’il faut agir. L’art est nécessaire à l’humanité car il nous permet de nous observer plus objectivement. Le récit sensible et personnel de Vanessa Springora, l’intelligence de son analyse et la sincérité de son expérience m’ont frappé au cœur comme seules les grandes œuvres artistiques peuvent le faire.
Faire bouger les lignes… encore et toujours. Incessamment. Parce qu’elles ont une fâcheuse tendance à toujours vouloir se refermer, à toujours vouloir retomber dans leurs vieilles ornières. J’ai très vite fait part à Ludivine de mon souhait de porter Le Consentement à la scène avec elle. Son talent et son abnégation envers les œuvres qu’elle sert en font une très grande artiste et une interprète idéale. Je ne voyais qu’elle pour faire résonner ces mots. Plus que d’incarner un personnage, il s’agissait de porter une parole. Passé l’impression sur le papier blanc, il faut pouvoir imprimer ces mots dans nos crânes endoloris. Le théâtre nous permet d’en user comme de pierres. Ils peuvent devenir de véritables projectiles lancés à l’assaut d’ennemis de toutes sortes. Il faut pouvoir les matraquer, ces mots, pour les graver dans le marbre de nos vieilles habitudes. De nos vieilles certitudes. De notre auto-asservissement face aux apparences, aux figures du succès. Le théâtre n’est plus un média de masse comme peuvent l’être le livre, internet ou le cinéma. Il agit dans la sphère de l’intime, d’âme à âme. Il nous permet un contact renouvelé avec le réel. Au travers de cette relation privilégiée que nous entretenons avec les artistes, il nous permet de nous élever pour voir un peu plus réellement le paysage environnant : ce réel qui nous fait tant défaut dans le monde ordinaire, qui nous donne trop souvent l’impression que nous marchons sur la tête.
Sébastien Davis
Sébastien Davis, après avoir fait sa première mise en scène sous l’aile d’Ariane Mnouchkine au Théâtre du Soleil (Thyeste de Sénèque), a fait partie de la 1ère promotion de metteurs en scène de l’ENSATT sous la direction d’Anatoli Vassiliev. Il exerce ensuite auprès de nombreuses compagnies dans le domaine du jeune public, du théâtre musical et du concert. Il est invité par Jean-Pierre Siméon à réaliser des déambulations poétiques et musicales au sein du musée d’Orsay ; en Suisse il créé au Teatro Dimitri un spectacle inspiré de l’œuvre de Jostein Gaarder ; il crée à l’Opéra de Lyon L’Arlésienne avec Anne Girouard et L’Ensemble Agora, d’après les œuvres de Georges Bizet et d’Alphonse Daudet. Il collabore régulièrement avec Cyril Cotinaut, avec qui il monte L’École des Bouffons de Michel de Ghelderode, Timon d’Athènes de William Shakespeare et Le Casque et l’Enclume, une création inspirée des évènements de Mai 68. À l’invitation de Ludivine Sagnier, il devient en septembre 2020 le Directeur Pédagogique de la Section Acteur de l’École Kourtrajmé à Montfermeil.
Ludivine Sagnier débute sa carrière au cinéma alors qu’elle est encore enfant. Elle apparaît notamment chez Pascal Thomas, Jean Paul Rappeneau et Alain Resnais. Après avoir été formée au conservatoire de Versailles, elle entame une collaboration avec François Ozon avec qui elle tournera trois films, Gouttes d’eau sur pierres brûlantes, Huit Femmes et Swimming Pool. Elle travaille ensuite avec Claude Miller, Alain Corneau, Claude Chabrol, et Christophe Honoré (notamment pour le théâtre avec Nouveau Roman en 2013). Elle travaille également à l’international sous la direction de Paul John Hogan, Lee Tamahori, Paolo Sorrentino, Hirokazu Kore Eda. Après ses rôles dans les séries The Young Pope, The New Pope et Lupin, elle incarne Diane de Poitiers dans la série américaine Serpent Queen aux côtés de Samantha Morton. Depuis 2020, elle dirige la Section Acteur de l’École Kourtrajmé à Montfermeil.