Nous y retrouvons le fameux Sganarelle, riche bourgeois avare. L’homme refuse de marier sa fille Lucinde car il ne veut pas payer de dot. Pour arriver à ses fins, la jeune femme feint d’être malade. Parmi les médecins qui se pressent à son chevet, se cache Clitandre, son amant, prêt à faire signer un « vrai-faux » contrat de mariage à son futur beau-père. Dans cette commedia dell’arte savoureuse et totalement burlesque, les comédiens nous séduisent par leur approche moderne et enjouée de cette satire.

D’après Molière
Mise en scène Jean-Louis Martinelli
Avec Edouard Montoute, Elisa Kane, Martine Schambacher, Michel Melki, Bernard Nissille, Hammou Graia, Alexandre Soulie, Yoann Denaive et Arthur Oudot
Collaboratrice artistique Christine Citti
Création lumière Jean-Marc Skatchko
Création sonore Sylvain Jacques
Mélodie et arrangements Alexandre Soulié
Costumes Christian Lacroix
Assistanat aux costumes Jean-Philippe Pons

Production Théâtre du Jeu de Paume Aix-en-Provence
Coproductions Châteauvallon-Liberté, scène nationale / Compagnie Allées/Retours Théâtre National De Nice / Le Théâtre de Liège et Dc&J Création
Soutiens Tax Shelter du Gouvernement Fédéral de Belgique / Inver Tax Shelter

Photos © Caroline Bottaro
Texte © Vanessa Asse

Il y a quelques semaines, Dominique Bluzet me fait part de son intuition : à savoir proposer des formes d’une heure afin d’aller à la recherche d’un public nouveau et favoriser l’approche de l‘univers du théâtre. Cette idée me semble séduisante et évoque spontanément des formes relevant d‘un théâtre de tréteaux.

Je me suis donc repenché sur les pièces courtes de Molière et en particulier sur L’Amour médecin, en son temps baptisée par les spectateurs Les Médecins. Écrite en moins d’une semaine, dira Molière, cette pièce s’appuie sur deux thèmes récurrents de son œuvre : les mariages forcés et la critique de la médecine de l’époque. L’arrivée des médecins au chevet d’une jeune fille (Lucinde) fait suite aux troubles mélancoliques, réels ou joués, troubles traduisant une forme d’hystérie diront des commentateurs de l’époque qui font suite à la décision du père (Sganarelle) d‘imposer à sa fille un mari. Aucune médecine ne peut chasser ses maux, hors l’amour.

C’est ce que suggère Molière dans la résolution de la pièce qui se fait aux dépens des médecins et du père naïf et abusif par le stratagème mis en place par Lisette, la suivante de sa fille. Nous proposerons une représentation avec une dizaine d’acteurs. Quasiment sans décor (une table et deux chaises !) dont la dimension visuelle sera essentiellement prise en charge par les costumes de Christian Lacroix.

Jean-Louis Martinelli 

Il est toujours intéressant et revivifiant de sortir de la zone de confort du costumier en rencontrant un nouveau complice, un homme de théâtre avec qui on n’a encore jamais travaillé et de le suivre, de faire le possible pour illustrer au mieux son approche de l’oeuvre, Jean-Louis Martinelli en l’occurrence, pour L’Amour médecin à Aix. J’ai souvent dit et répété que ce qui m’inspirait et excitait le plus dans ce métier, loin des diktats égocentrés du couturier, c’était justement de me mettre « au service », d’écouter, comprendre et tâcher d’incarner la vision du metteur en scène à condition, bien entendu, d’y adhérer, de la capter, de m’en sentir capable et motivé.

Et c’est le cas ! Nous n’avons pas tardé à trouver un langage commun, un terrain de rencontre. Lors de notre premier rendez-vous, Jean-Louis Martinelli a évoqué une sorte de boîte/chambre noire pour décor, un « non-lieu » et sur ces presque « tréteaux » un esprit de commedia dell’arte contemporaine, une intemporalité dont, sans historicisme, le pourpoint ne serait pas banni ni le corset, non plus que les jeans ou les sneakers, sans pour autant tomber dans le nouvel académisme d’un énième classique transposé en t-shirt. Il s’agit, et j’adore cela, de créer un espace-temps propre à la pièce, un petit vocabulaire, l’évocation, sans prétention, de ce que Molière utiliserait peut-être de nos jours. C’est-à-dire des médecins loin des diafoirus en noir et des clystères mais plutôt en faux blancs colorés, des déguisements « clinique » utilisant les répertoires du travail et des quincailleries d’aujourd’hui, combinaisons, blouses, tuniques, bottes masques, gants etc.

Le trait noir d’un notaire filiforme comme un personnage de Daumier, un opérateur en caftan molletonné, un caftan auquel on aurait greffé des manches de blouson de biker en cuir. Des tenues comme improvisées, sorties des panières, telle la veste de Sganarelle taillée dans de vieilles tentures de velours XIXe fatigué mais de style XVIIe, entre pourpoint et veste d’ouvrier, des pantalons de charpentier ou de peintre. Les costumes féminins sont un peu plus historiques mais librement inspirés de toutes les époques, cage symbolique d’une crinoline, corselet plus ou moins serré, ouvert, en velours « couture » 1950 pour Lucinde, en patchwork de vieux jupons de dentelle. Jupon matelassé comme un caparaçon de picador pour Lisette, surmonté d’un assemblage de vestiges de
corsages 1900.

Tout cela glané dans les archives et assemblé, « accommodé », avec la précieuse complicité des « gentes et savantes » dames des ateliers du Théâtre de Liège avec lesquelles j’ai donc déjà travaillé sur un Bourgeois Gentilhomme et Le Triomphe de l’amour (Marivaux) pour Denis Podalydès.

Christian Lacroix

Le spectacle, simple et plaisant, [est] enrichi des costumes de Christian Lacroix et porté par une distribution convaincante. Sceneweb

Une comédie-ballet moderne et musicale, haute en couleurs. France 3 PACA 

Jean-Louis Martinelli présente son Amour médecin de Molière, dans une version courte, drôle et accessible. Zébuline

Jean-Louis Martinelli débute sa carrière à Lyon ou il anime une troupe universitaire de 1972 à 1976. En 1977, la compagnie se professionnalise et il met en scène notamment, La Nuit italienne d’Ödön von Horváth, Lenz de Georg Büchner (1978), Lorenzaccio d’Alfred de Musset (1979), Pier Paolo Pasolini d’après Pier Paolo Pasolini (1982), Corps perdus d’Enzo Cormann. En 1987, il prend la direction du Théâtre de Lyon, il y créera entre autres, Quartett d’Heiner Müller (1988), La Maman et la putain de Jean Eustache (1990), L’Église de Louis-Ferdinand Céline (1992), Variations Calderon de Pier Paolo Pasolini (1985).
En 1993, il est nommé à la direction du Théâtre National de Strasbourg (TNS). Il y a créera entre autres Roberto Zucco de Bernard-Marie Koltès et L’Année des treize lunes de Fassbinder (1995), Germania 3 d’Heiner Müller et Emmanuel Kant de Thomas Bernhard (1997), Oedipe le Tyran de Friedrich Hölderlin (1998), Phèdre de Yannis Ritsos et Catégorie 3:1 de Lars Norén (2000).

En 2002, il prend la direction du Théâtre Nanterre-Amandiers. Au cours de ces années de direction, il monte notamment Platonov d’Anton Tchekhov (2002), Médée de Max Rouquette, Les Sacrifiées de Laurent Gaudé et Une virée d’Aziz Chouaki (2004), Schweyk dans la Deuxième Guerre mondiale de Bertolt Brecht et Hanns Eisler, Cosi de Mozart, La République de Mek-Ouyes de Jacques Jouet et Bérénice de Racine (2006), Kliniken de Lars Norén, Détails de Lars Norén et Mitterrand et Sankara de Jacques Jouet (2008), ou encore Une Nuit à la présidence, une farce politico-économique dont il est également l’auteur (2013).

Jean-Louis Martinelli a également signé la mise en scène de plusieurs opéras, Jenufa de Leoš Janáček (2002), Zanetto de Pietro Mascagni, Paillasse de Ruggero Leoncavallo (2007), Lucia di Lammermoor de Gaetano Donizetti (2016) à l’Opéra de Nancy et En Tripp i Alger d’Aziz Chouaki programmé au théâtre Riksteaterns de Stockholm (2005). Depuis 2013 avec sa compagnie Allers/Retours, il créé notamment L’Avare de Molière (2015), Et les colosses tomberont de Laurent Gaudé et Nénesse d’Aziz Chouaki (2018), Ils n’avaient pas prévu qu’on allait gagner (2019), Dans la fumée des joints de ma mère de Christine Citti (2021), Nadia qu’il écrit et met en scène (2022) et L’Amour médecin de Molière en janvier 2023.