Il s’agit là des héros cachés de l’Humanitaire. Un vibrant quatuor de comédiens, le génie d’un percussionniste pour prendre le relai des mots quand ceux-ci deviennent impuissants, une grande tente qui se déploie peu à peu sur le plateau. C’est une véritable immersion dans leur mode de vie.
Avec la Carte Châteauvallon-Liberté, votre 6ème place de spectacle est offerte !
Jeudi 4 avril 2024 — 19h10
Vendredi 5 avril 2024 — 19h10
Nouveau : vous pouvez réserver votre navette directement en réservant votre place.
Réservation conseillée et possible jusqu’à la veille du spectacle par téléphone au 09 800 840 40
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Avec pudeur, intelligence et délicatesse, Tiago Rodrigues, remarquable auteur, metteur en scène et nouveau directeur du Festival d’Avignon, met en perspective le regard de celles et ceux qui voient l’horreur chaque jour, contraints à d’insoutenables décisions. Imbriquant confessions et récits en un paysage «impossible», accidenté de hasards, la pièce dépeint une perception du monde. Celle des vies écartelées entre sourires revigorants et désillusions abyssales, dans une épure théâtrale et une déconstruction de l’imagerie collective qui font la force du propos. Dans les œuvres de Tiago Rodrigues, les strates d’entrée sont toujours multiples, humbles et humaines. Ici, retracer les désastres collectifs par la voix, la musique et la présence corporelle donne soudain à un projet intimiste une envergure universelle.
Texte et mise en scène Tiago Rodrigues
Traduction Thomas Resendes
Composition musicale Gabriel Ferrandini
Avec Adrien Barazzone, Beatriz Brás, Baptiste Coustenoble, Natacha Koutchoumov et Gabriel Ferrandini
Scénographie Laurent Junod, Wendy Tokuoka, Laura Fleury
Lumières Rui Monteiro
Son Pedro Costa
Costumes et collaboration artistique Magda Bizarro
Assistanat à la mise en scène Renata Antonante
Fabrication décor Ateliers de la Comédie de Genève
Régie générale et plateau Michael Bouvier
Régie lumière Étienne Morel
Régie son Benjamin Vicq
Responsable technique William Ballerio
Production Pascale Reneau
Production Comédie de Genève
Coproduction Odéon Théâtre de l’Europe – Paris / Piccolo Teatro di Milano – Teatro d’Europa / Teatro Nacional D. Maria II – Lisbonne / Équinoxe – scène nationale de Châteauroux / CSS Teatro stabile di innovazione del FVG – Udine / Festival d’Automne à Paris / Théâtre national de Bretagne – Rennes / Le Maillon Théâtre de Strasbourg – Scène européenne / CDN Orléans – Val de Loire / La Coursive – Scène nationale de La Rochelle
Avec la collaboration du CICR – Comité international de la Croix-Rouge et de MSF – Médecins Sans Frontières
Beatriz Brás (chante Medo d’Alain Oulman d’après un poème de Reinaldo Ferreira)
Photos © Magali Dougados
Texte © Mélanie Drouère
Dans la mesure de l’impossible a été imaginé avant le tsunami viral. À l’époque, il était prévu que vous partiriez accompagner des missions du CICR pour écrire le spectacle. Et puis le tsunami s’est déclenché et ces voyages n’ont pas pu avoir lieu.
Oui, et aujourd’hui, je me dis heureusement que je n’ai pas pu partir. Je serais revenu plein de certitudes, avec l’impression d’avoir tout vu, de pouvoir dire la vérité sur le monde.
Comment le projet s’est-il alors construit ?
Comme je n’ai pas pu me rendre sur leur terrain, nous avons rencontré les humanitaires ici, à Genève.
Dans la mesure de l’impossible, dès lors, parle avant tout de récits, des récits que ces humanitaires nous ont racontés, ici, sur des expériences qu’ils ont vues et vécues là-bas. Des récits qui témoignent de ce que ces gens perçoivent du monde et de la façon dont ils se perçoivent eux-mêmes.
Nous n’allons donc pas jouer ou illustrer des évènements qui se sont déroulés là-bas, non, nous allons raconter des évènements que quelqu’un nous a racontés, et qui se sont déroulés là-bas. Nous ne faisons pas du théâtre documentaire mais un théâtre documenté et n’aspirons pas à faire un essai généraliste donnant une vision exhaustive de l’humanitaire.
Nous parlons toujours à travers eux, ces raconteurs d’histoires, sans faire semblant que ce que nous avons entendu nous permet ne serait-ce que d’imaginer la réalité des expériences qu’ils ont traversées.
En revanche, nous savons très bien restituer les récits de ces expériences, parce que nous avons vécu avec eux ces moments de partage, ces moments où ces femmes et ces hommes nous ont offert leurs récits, tous singuliers, des histoires qui sont autant de visions du monde et de façons de parler que de personnes rencontrées, des histoires dont ils pensent, et nous disent souvent : celle-là, il faudrait qu’elle figure dans votre spectacle !
Vous écrivez donc le spectacle à partir d’entretiens. Comment se passe votre travail d’écriture ?
Je commence par appuyer sur Play pour écouter l’enregistrement que je transcris en m’accordant déjà une certaine liberté. C’est la première couche d’écriture. Ensuite, au fur et à mesure des répétitions, je continue à écrire, puis je réécoute l’entretien, et je compare avec ce que j’ai écrit. Il y a donc toujours un dialogue, une conversation, entre des vraies histoires partagées et une écriture qui commence à prendre forme.
Vous effectuez ce travail en portugais ?
Oui j’écoute les entretiens qui sont en français ou en anglais et j’écris en portugais, ensuite je fais traduire en français.
D’où vous est venu ce besoin de raconter ces histoires-là, celles de personnes travaillant dans l’humanitaire ?
À un moment donné, j’ai été en contact avec plusieurs personnes du CICR, et j’ai été impressionné de rencontrer ces gens dont on entend souvent parler mais que je n’avais, pour ma part, jamais eu l’occasion de connaître personnellement.
Le geste de soigner, de soulager, je le connais à travers ma mère qui est médecin. Je trouve que c’est la seule vraie profession. Toutes les autres sont importantes bien sûr, mais les plus sacrées à mes yeux sont celles qui s’occupent du care. Il n’y a pas de mot en français qui traduise cela – en portugais on dit cuidar – ce n’est pas exactement soigner, plutôt prendre soin.
Les humanitaires ont accès à des moments et des lieux de l’histoire qui leur donnent un regard sur le monde qui nous manque. La proximité de la souffrance, du danger et de la violence, mais aussi de la dignité et de la résilience humaine, leur donne accès à une lecture du monde dont nous sommes incapables.
Est-ce que ces rencontres ont changé votre perception de l’humanitaire ?
Oui, j’en ai découvert la complexité.
Avant le projet, je les considérais comme des personnages romantiques, des héros qui changent vraiment les choses.
Lorsque nous les avons rencontrés – des gens brillants, impressionnants, des aventuriers – toutes et tous nous ont dit : non, nous ne sommes pas des héros, on fait juste ce qu’on peut. Mon admiration n’a fait alors qu’augmenter et je les ai trouvés d’autant plus héroïques qu’ils affirmaient ne pas l’être.
Et puis j’ai découvert leur capacité d’autocritique et de réflexion, leur aptitude à problématiser toute l’expérience de l’humanitaire. Ils et elles sont en prise constante avec des situations d’une extrême complexité dans lesquelles la frontière entre les gentils et les méchants se brouille. Pour condamner ceux que l’on considère comme les méchants, ceux qui ne respectent pas les droits humains, il faut se poser la question de savoir où se trouve la source du problème – et donc la source de toute cette souffrance qu’ils se sont donné pour mission d’alléger – et cette question finit presque toujours par nous revenir au visage.
La source de cette souffrance qui nous indigne, quand on enquête vraiment, se trouve chez nous, dans notre système capitaliste qui a envahi toute la planète et adultéré les valeurs fondamentales.
Une des humanitaires que nous avons rencontrée nous a dit : « on est juste là pour gagner du temps ». Pas changer le monde, non, au mieux essayer de soulager, gagner du temps sur le pire.
Quand je me suis rendu compte qu’eux-mêmes, mieux que n’importe qui, prenaient toute la mesure de cette complexité, j’ai compris qu’ils n’étaient pas des héros romantiques mais des héros tragiques, à l’image des personnages de Sophocle : ils savent pertinemment qu’ils vouent leur vie à faire quelque chose qui ne va pas changer le monde, alors que changer le monde faisait partie de leur motivation première à s’engager dans cette voie de l’humanitaire.
Le fait même que l’activité humanitaire existe – non seulement existe mais perdure, de plus en plus, dans la durée, en continu – le fait même qu’elle existe trace un portrait tragique de l’humanité.
Extraits des propos recueillis par Arielle Meyer MacLeod
Une pièce bouleversante qui nous ouvre les yeux sur un monde que nous ne connaissons en réalité pas si bien et qui mérite pourtant toute notre attention. Go Out Magazine
À partir d’entretiens avec des travailleurs de la Croix-Rouge ou MSF, le Portugais Tiago Rodrigues a créé une pièce puissante et bouleversante, sans cliché ni morale accablante, portée par un excellent quatuor d’acteurs. Libération
Le metteur en scène portugais donne à entendre avec cette pièce la voix des travailleurs humanitaires. Un spectacle intense et généreux porté par quatre comédiens et un musicien. La Croix L’Hebdo
Né à Lisbonne, Tiago Rodrigues est acteur, dramaturge, metteur en scène, producteur et directeur artistique du Teatro Nacional D. Maria II à Lisbonne. Depuis ses débuts en tant qu’auteur, à l’âge de 20 ans, il a toujours envisagé le théâtre comme une assemblée humaine : un endroit où les gens se rencontrent, comme au café, pour y confronter leurs idées et partager leur temps. Qu’il combine des histoires réelles à de la fiction, qu’il revisite des classiques ou adapte des romans, son théâtre est profondément habité par la volonté d’écrire avec et pour les acteurs. En véritable alchimiste, il façonne dans ses mises en scène la réalité pour en extraire la poésie grâce aux outils du théâtre. Depuis 2022, il dirige le Festival d’Avignon. Il a par ailleurs présenté en 2021 La Cerisaie avec Isbelle Huppert dans la Cour d’honneur du Palais des Papes.