« Cap ou pas cap ? » À l’origine, cela devait être un jeu. Après L’Affaire Harry Crawford, Carole Errante met en scène une seconde œuvre de l’auteur australien Lachlan Philpott. Une pièce inspirée d’un fait divers sur les adolescentes face à la porn culture.
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À tout juste 14 ans, Bee et Ellie passent leurs journées à attendre les textos et les garçons dans la banlieue grise de Sydney. Pour tromper l’ennui, elles décident de faire l’école buissonnière et se lancent un défi. Ce pari impensable, qu’elles prennent d’abord pour un amusement, va très vite les dépasser.
Cette pièce courageuse, construite comme un thriller, met en lumière la sexualité et la quête d’identité des jeunes à l’ère du numérique. Au plateau, les comédiennes et une créatrice sonore nous relatent ce récit tantôt léger, tantôt féroce. Une histoire crue qui interpelle sans juger.
Texte Lachlan Philpott
Traduction Gisèle Joly
Mise en scène Carole Errante
Avec Alia Coisman, Elisa Gérard, Annaëlle Hodet, Anne Naudon et Jenny Abouav
Performance plastique et sonore Jenny Abouav
Création lumière Cécile Giovansili Vissière
Régie Vincent Guibal
Scénographie Ghali Bensouda
Costumes Aude Amédéo
Production La CriAtura
Chargé.e.s de production et diffusion Annaëlle Hodet, Charlotte Laquille et Armeen Hedayati
Coproduction Châteauvallon-Liberté, scène nationale / Théâtre Joliette, scène conventionnée, Marseille
Soutiens Ville de Marseille, Département des Bouches-du-Rhône, DRAC PACA, Région Sud PACA, la SPEDIDAM au titre de l’aide à la création d’une bande originale pour spectacle dramatique
Photos © Caroline Pelletti Victor
Texte © Vanessa Asse
Après avoir mis en scène L’Affaire Harry Crawford de Lachlan Philpott, créée en février 2022 à la scène nationale Châteauvallon-Liberté à Toulon, la Maison Antoine Vitez m’a proposé de mettre en espace une lecture d’un autre texte du même auteur, programmé le 5 mars 2022 au théâtre Joliette à Marseille, dans le cadre de l’événement Australia Now, qui célèbre la diversité et la richesse de la culture australienne en France.
J’ai choisi L’Aire poids-lourds.
Je retrouve dans L’Aire poids-lourds la richesse et la subtilité d’une langue au parler simple dont les petites phrases courtes et presque anodines ouvrent des espaces tout en maintenant une forte tension narrative. Cette pièce mobilise en moi un sentiment d’enthousiasme, une énergie de jeunesse, de prise de risque, une urgence à la partager qui me convainquent de la nécessité de la monter aujourd’hui.
Inspiré d’un fait divers survenu dans une banlieue de Sydney, élaborée à partir de dix mois d’entretiens avec des adolescents, des enseignants, des conseillers d’éducation, psychologues, assistantes sociales, chauffeurs routiers, L’Aire poids-lourds braque les projecteurs sur la quête d’identité des adolescents d’aujourd’hui, l’éveil à la sexualité des jeunes à l’ère du numérique, des réseaux sociaux, de la pop’porn culture, du rapport à la séduction, à la norme, aux tabous, aux regards des autres, à la performance.
L’Aire poids-lourds nous plonge dans le quotidien de trois gamines de 14 ans d’aujourd’hui et les « films qu’elles se font » pour échapper à la grisaille de leur existence.
Un monde aussi étrange que frappant. Qui frappe autant qu’il fait peur. Qui fait peur autant qu’il défie. Qui défie autant qu’il émeut.
Bee et Ellie vivent dans la banlieue pauvre de Sydney. Elles passent leur vie à attendre les textos et les mecs, et que ces pétasses de dernière année quittent l’école pour qu’elles puissent enfin prendre leur place dans la cour. Et puis il y a Freya qui vient d’arriver au collège. À elles trois, elles vont former une bande ou un truc du genre qu’elles surnomment : les pouffes. Parce qu’elles s’ennuient pendant une récréation et qu’après c’est le cours d’algèbre, Bee et Ellie s’échappent par un trou de la clôture. Traînent à la table de pique-nique avec les mouches à l’aire de repos de la voie express. Lisent des graffiti. Parlent de sexe, de prostituées, de Lady Gaga. Quand un poids-lourd s’arrête. Leurs cœurs battent. Le routier est plutôt jeune. Et sexy. Ça ressemble à un clip vidéo…
L’Aire poids-lourds est une pièce dérangeante au langage cru que l’on pourrait toutefois qualifier de comédie dramatique tant le ton semble léger, enlevé, décalé, drôle, féroce aussi parfois.
C’est une pièce courageuse sur un sujet délicat qu’il me semble nécessaire et important aujourd’hui de mettre en partage: la prostitution des adolescentes considérée comme moyen d’émancipation, ses aspects délétères lorsqu’elle se conjugue à une absence de repères et à des modèles adultes inopérants pour contrer le matraquage visuel de la porn culture balancée à longueur de temps sur les réseaux sociaux avec ses images érotisées, ses sex symbols érigés en icône de la réussite suprême, sa vision de la femme objet, désirable et convoitée auxquels les ados adhèrent sans réserve accentuant encore davantage le clivage entre les garçons et les filles puisque chaque sexe suit et cultive des modèles genrés stéréotypés auxquels ils aspirent à se conformer.
Au fur et à mesure que l’auteur dépouille ses trois personnages féminins de leurs pelures successives pour nous en révéler le fond, on découvre que leur attitude bravache trahit en réalité une totale vulnérabilité. À 14 ans, elles ne sont encore que des enfants et leurs postures cachent un manque cruel d’estime de soi lié à l’impuissance de cellules familiales dysfonctionnelles où les parents démunis n’arrivent plus à faire face.
Lachlan Philpott a situé sa pièce dans un contexte social et familial rugueux, dans lequel ses héroïnes manquent de l’environnement psychologique adéquat, capable de les aider à se construire et à se structurer. Il explore à travers cette pièce une culture adolescente fortement sexualisée mais immature, où la connaissance, la compréhension et la prise de conscience réelles des conséquences d’une sexualité active ou par images interposées font dangereusement défaut. Traitant de la manière dont les réseaux sociaux affectent et déforment la quête d’identité des adolescent·e·s d’aujourd’hui, L’Aire poids-lourds nous interpelle et nous pousse à réfléchir aux problèmes que pose une culture virtuelle qui se substitue insidieusement à l’autorité parentale et scolaire.
Ce texte pour quatre comédiennes (dont la quatrième joue tous les personnages secondaires), structuré comme un scénario au rythme kaléidoscopique, s’articule autour des « faits » par des suites de retours en arrière et en avant dans le temps, entremêlant répliques cursives, descriptions et commentaires, adressés directement au public, comme autant d’angles de vue en caméra subjective. Les narrations s’intercalent par tranches générant une forte tension dramatique.
Comme on pouvait s’y attendre quand l’on connaît tant soit peu l’écriture de Lachlan Philpott, cette pièce est d’une subtilité et d’une complexité désarmantes, qui échappe au didactisme, au sensationnel ou encore au jugement. Elle ne se montre jamais condescendante ou moralisatrice. Véritable gageure, elle pose, en fait, plus de questions qu’elle n’apporte de réponses et se refuse à offrir des solutions de facilité.
Au plateau, il y a cinq corps en présence : quatre comédiennes et une créatrice sonore qui sculpte musicalement en live un espace où cohabitent les paysages extérieurs de la fiction et les paysages intérieurs, intimes des personnages. La partition sonore accompagne la fiction mais déploie également d’autres champs narratifs en créant une architecture mentale qui lui est propre. Outre la création sonore, Jenny Abouav est une artiste visuelle qui travaille sur la relation entre la sculpture et le vivant via une pratique artistique qui oscille entre la performance et l’installation. Son travail questionne les aspects poétiques et politiques de résistance présents dans la lenteur, le vide, le silence et le tremblement. Pour L’Aire poids-lourds, Jenny Abouav, parallèlement au travail sonore, déploiera un univers plastique, scénographique, qui servira de contre point poétique au rythme vif et nerveux de la pièce.
La suite est en train de s’écrire… entre pop’ culture et nappes sonores de nuées de mouches et de cafards grouillants sur fond de crachotements de radio cibi…
Carole Errante, le 27 septembre 2023
Lachlan Philpott est un auteur dramatique australien, vivant à Sydney. Son théâtre, beaucoup joué et traduit, lui a valu de nombreuses récompenses internationales. Seize de ses pièces ont déjà été publiées en Australie (chez Currency et PlayLab) et au Royaume-Uni (chez Oberon, qui vient de lui consacrer deux anthologies de ses dernières œuvres).
Très respecté pour ses sages et généreux conseils aux jeunes artistes et pour ses prises de position en faveur des œuvres et des auteurs dramatiques contemporains australiens, Lachlan a guidé plus d’une centaine de nouveaux auteurs en Australie, œuvrant en tant qu’enseignant, conseiller ou dramaturge dans des cadres aussi divers que compagnies de théâtre, festivals, écoles et institutions d’enseignement supérieur à travers le monde.
Il a été directeur artistique du Tantrum Youth Arts de Newcastle et directeur de l’Emerging Writers’ Program à l’ATYP (Australian Theatre for Young People), où il a lancé The National Studio, le programme le plus fructueux et pérenne de ce genre en Australie, qui offre chaque année à vingt jeunes nouveaux auteurs d’Australie (de 18 à 26 ans) une semaine de master classes avec trois auteurs dramatiques confirmés.
Lachlan a été auteur en résidence au Keesing Studio de la Cité internationale des arts à Paris, à l’American Conservatory Theatre de San Francisco, la Griffin Theatre Company, la Playwrights Foundation de San Francisco, ainsi qu’à Red Stitch à Melbourne, et il a fait partie des « Traverse Fifty » à l’occasion du 50e anniversaire du Traverse Theatre d’Édimbourg.
En 2013, il s’est vu attribuer une aide de l’Australia Council Cultural Leadership Program pour étudier de nouveaux modes de développement de l’écriture dramatique dans plusieurs pays, ainsi qu’une résidence d’écriture à Paris par le Council for the Arts d’Australie en 2016-2017 et 2018.
Lachlan Philpott, premier auteur dramatique australien à recevoir une bourse d’étude du Fulbright Program, a été également président du comité des auteurs dramatiques de l’Australian Writer’s Guild (Guide des écrivains australiens) de 2012 à 2015.
Carole Errante a été formée au Conservatoire national d’art dramatique à Marseille sous la direction de Jean-Pierre Raffaëlli ainsi qu’à l’université de Provence, où elle a obtenu une maîtrise d’études théâtrales.
Initialement formée à la danse classique à l’Opéra de Marseille, puis traversant l’expérience du music-hall comme danseuse de revue, elle s’est ensuite dirigée vers la danse contemporaine puis vers la danse-théâtre.
Elle se passionne également pour les danses latines et principalement le flamenco (formation auprès de Rafael Campallo, Pilar Ortega, Mercedes Ruiz, Juana Amaya, Israel Galvan…). Elle a été interprète en tant que comédienne et/ou danseuse de diverses compagnies telles que le Théâtre de la Mer, la Compagnie Itinérrances, Théâtre Sud, Théâtre de Cuisine, la Compagnie L’ombre chinoise ou encore le Théâtre des Personnes et des Choses. Depuis quelques années, son activité se concentre essentiellement sur les projets qu’elle mène en tant que metteuse en scène au sein de la compagnie La CriAtura.