Les Messagères
Théâtre

Les Messagères

D'après Sophocle — Jean Bellorini — L’Afghan Girls Theater Group

Antigone, incarné par neuf comédiennes afghanes. Sous la direction du metteur en scène Jean Bellorini, elles font résonner avec force ce récit, symbole d’une opposition au pouvoir, avec leur propre histoire.

Les Messagères
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Lieu
  • Le Liberté
  • Salle Albert Camus
Accessibilité
  • Pour tous
    • dès 15 ans
    • Spectacle en dari surtitré en français
  • Dates Durée 1h45
  • jeudi 5 décembre 2024 20:00
Tarifs
  • Plein tarif 30 €
  • Tarif adulte avec la carte Châteauvallon-Liberté 20 €
  • Tarif partenaire (CSE et Associations culturelles partenaires) 20 €
  • Tarif - 30 ans 15 €
  • Tarif - 18 ans 10 €
  • Tarif solidaire 5 €

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Informations pratiques

Les actrices de l’Afghan Girls Theater Group arrivent en France en août 2021 après avoir fui leur pays sous le joug des talibans, munies d’un simple bagage. Accueillies par le Théâtre National Populaire à Villeurbanne, elles doivent désormais poursuivre leur vie loin de leurs proches. En juin 2022, Jean Bellorini leur propose de travailler sur la pièce de Sophocle. Très vite, le metteur en scène est frappé par la singularité de ces actrices et la force du chœur qu’elles composent. Ainsi naît Les Messagères.

Antigone, c’est l’histoire d’une femme qui dit non. Tout comme ces jeunes artistes, qui ont fui l’Afghanistan pour continuer à vivre. Interprété en langue dari surtitré en français, ce spectacle est troublant, tant la frontière entre incarnation et évocation est mince.

D’après Antigone de Sophocle
Mise en scène Jean Bellorini
Avec l’Afghan Girls Theater Group, Hussnia Ahmadi, Freshta Akbari, Atifa Azizpor, Sediqa Hussaini, Shakila Ibrahimi, Shegofa Ibrahimi, Marzia Jafari, Tahera Jafari et Sohila Sakhizada
Collaboration artistique Hélène Patarot, Mina Rahnamaei et Naim Karimi
Création lumière Jean Bellorini
Création sonore Sébastien Trouvé
Adaptation Mina Rahnamaei
Traduction des surtitres Mina Rahnamaei et Florence Guinard
Construction des décors et confection des costumes les ateliers du TNP

Production Théâtre National Populaire, avec l’aide exceptionnelle de la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes – ministère de la Culture

Photos © Juliette Parisot © Jacques Grison
Texte © Vanessa Asse

L’Afghan Girls Theater Group est installé en métropole lyonnaise depuis septembre 2021. Quelles ont été les premières étapes de l’arrivée en France ?

Jean Bellorini. — Le seul objectif, au départ, était l’apprentissage de la langue française. Nous avons vu arriver de très jeunes femmes, qui venaient de tout quitter. L’important était de ne pas aller trop vite, de laisser le temps aux relations humaines de se tisser. En apprenant à connaître ces comédiennes, en découvrant leur finesse d’esprit, leur humour, j’ai eu envie de les rencontrer artistiquement. Assez rapidement, elles ont voulu raconter leur histoire, le lien à l’Afghanistan au-delà du récit de la fuite. Elles ont travaillé avec l’autrice Alice Carré autour de leurs souvenirs ; tout disait l’attachement et le manque du pays. Elles sont arrivées ici avec l’idée de repartir chargées d’un enseignement qu’elles pourront transmettre plus tard, à celles et ceux qui sont restés.

Au printemps 2022, vous avez entrepris une session de répétitions avec les neuf comédiennes. Qu’est-ce qui a émergé de suffisamment fort pour aboutir à l’envie de créer un spectacle ensemble ?

J.B. — Après avoir beaucoup raconté leurs propres histoires, elles ont exprimé un besoin de
détachement : ne plus seulement témoigner mais faire du théâtre, explicitement. J’ai cherché des textes qui permettraient de nous relier ; les grands auteurs ont cette force. À partir d’extraits d’Hamlet ou de textes issus de la poésie persane, je les ai amenées à explorer dans l’espace les relations, les rapports des êtres vivants au temps, aux suspensions, aux regards. Sur le plateau, ma principale obsession est ce jeu entre l’intime et la conscience du collectif. Comment donner à voir, à partir d’un petit groupe d’êtres vivants, l’infini kaléidoscope humain ? Dès les premières répétitions, cette humanité-là, complexe et vibrante, était palpable. En quelques instants, sans avoir recours aux mots, un langage commun est apparu.

À quel moment le choix s’est-il finalement posé sur Antigone de Sophocle ?

J.B. — Lors d’une séance, nous avons travaillé plus précisément le prologue, entre Ismène et Antigone. Tous les enjeux de la pièce sont contenus au creux de cette scène : le secret, l’autorité arbitraire ou l’autonomie que chacun se donne, l’audace, le courage. Dans le débat qui l’oppose à Ismène, Antigone revendique le droit divin face à celui de tous les tyrans, mais il ne s’agit pas uniquement de religion. Sa force est avant tout humaine. Antigone, c’est l’histoire d’une femme qui dit non. Tout comme ces jeunes femmes, qui ont fui l’Afghanistan simplement pour continuer à exister, à grandir, à découvrir. C’est une pièce qui éclaire autant de situations qu’il y en a, mais qui résonne très justement dans ce cas particulier. Nous avons eu envie de raconter comment elles en sont venues à être Antigone ; comment elles ont eu l’audace de fuir. Le jeu théâtral naît en partie de ce lien intime avec leur histoire.

Propos recueillis par Sidonie Fauquenoi, de septembre 2022 à juin 2023

[…] Quelque chose néanmoins finit par sauter aux yeux, alors que la tragédie avance et qu’Antigone s’apprête à mourir. Certes, un prologue (extrait d’Antigone peut-être de Martine Delerm) et un épilogue (signé Atifa Azizpor, l’une des comédiennes), cousus à la pièce, se chargent de faire directement référence à leur histoire, laquelle a tout à voir avec les mots de Sophocle. Mais là, au milieu, ces passeuses d’un témoignage afghan viennent occuper enfin, par-delà l’assignation forcée à leur tragédie nationale, un pays commun. L’Œil d’Olivier 

Impossible de dissocier l’aventure de ces neuf jeunes femmes échappées d’Afghanistan du spectacle qu’elles interprètent à partir d’Antigone de Sophocle dans une mise en scène de Jean Bellorini au Théâtre National de Villeurbanne. Les Messagères concentre aventure artistique, politique et humaine, offrant une expérience aussi belle qu’émouvante et la retraversée limpide d’un classique. Si Messagères elles sont, c’est d’une humanité que rien ne peut éteindre et qu’éternellement véhiculent les chefs d’œuvre, surtout quand ils sont si bien mis en scène.  Sceneweb

Jean Bellorini est un metteur en scène attaché aux grands textes dramatiques et littéraires. Il mêle étroitement dans ses spectacles théâtre et musique et y insuffle un esprit de troupe généreux. Il défend un théâtre populaire et poétique.

Formé comme comédien à l’École Claude Mathieu, il crée en 2001 la Compagnie Air de Lune avec laquelle il met en scène Un violon sur le toit de Jerry Bock et Joseph Stein, La Mouette d’Anton Tchekhov (création au Théâtre du Soleil, Festival Premiers Pas, en 2003), Yerma de Federico García Lorca (création au Théâtre du Soleil en 2004) et L’Opérette, un acte de L’Opérette imaginaire de Valère Novarina (création au Théâtre de la Cité Internationale en 2008). En 2010, il monte Tempête sous un crâne, spectacle en deux époques d’après Les Misérables de Victor Hugo au Théâtre du Soleil. En 2012, il met en scène Paroles gelées, d’après l’œuvre de François Rabelais, puis en 2013 Liliom ou La Vie et la Mort d’un vaurien de Ferenc Molnár, au Printemps des Comédiens (Montpellier). En 2013, il crée également La Bonne Âme du Se-Tchouan de Bertolt Brecht au Théâtre national de Toulouse. En 2014, il reçoit les Molières de la mise en scène et du meilleur spectacle du théâtre public pour Paroles gelées et La Bonne Âme du Se-Tchouan.

En 2014, il est nommé à la direction du Théâtre Gérard Philipe, centre dramatique national de Saint-Denis. Il réunit des artistes complices et sa troupe autour de trois axes forts : la création, la transmission et le travail d’action artistique sur le territoire. Dans cet esprit, il tisse dès La Bonne Âme du Se-Tchouan une collaboration artistique avec Macha Makeïeff qui se construit dans le dialogue, le temps et la complémentarité : elle signe les costumes de ses spectacles, il signe les lumières des siens.

Il poursuit son travail de création théâtrale avec la mise en scène, en 2014, de Cupidon est malade, un texte de Pauline Sales pour le jeune public puis en 2015 avec Un fils de notre temps, d’après le roman d’Ödön von Horváth. Le spectacle tourne plus d’une centaine de fois, dans des salles de spectacle ou des lieux non dédiés (lycées, maisons de quartier, etc.).

En 2016, il crée au Festival d’Avignon Karamazov d’après le roman de Fédor Dostoïevski (nommé pour le Molière du spectacle de théâtre public 2017). Au fil des saisons du TGP, il reprend Liliom, Tempête sous un crâne et Paroles gelées, créant ainsi un répertoire vivant, et suscitant la venue de nouveaux spectateurs.
En 2018, il crée Un instant d’après À la recherche du temps perdu de Marcel Proust et en 2019 Onéguine d’après Eugène Onéguine d’Alexandre Pouchkine.

À Saint-Denis, il invente la Troupe éphémère, composée d’une vingtaine de jeunes amateurs âgés de 13 à 20 ans et habitant la ville et ses environs. Le projet, né du désir de s’engager durablement auprès du public adolescent, fait l’objet de répétitions tout au long de l’année pour parvenir à la création d’un spectacle dans la grande salle du théâtre.

Avec cette Troupe éphémère dionysienne, il met en scène en 2015 Moi je voudrais la mer, d’après des textes poétiques de Jean-Pierre Siméon ; en 2016 Antigone de Sophocle ; en 2017 1793, on fermera les mansardes, on en fera des jardins suspendus ! d’après 1793, La Cité révolutionnaire est de ce monde, écriture collective du Théâtre du Soleil. Ce spectacle est invité par Ariane Mnouchkine au théâtre du Soleil pour une représentation exceptionnelle le 30 juin 2018. En 2018, en collaboration avec le chorégraphe Thierry Thieû Niang, et pendant une période plus courte, il met en scène vingt-quatre jeunes amateurs dans Les Sonnets de William Shakespeare, et en 2019 il se penche sur un texte de Pauline Sales, Quand je suis avec toi, il n’y a rien d’autre qui compte.

Parallèlement à son engagement à Saint-Denis, il développe une activité avec des ensembles internationaux. En 2016, il crée au Berliner Ensemble Der Selbstmörder (Le Suicidé) de Nicolaï Erdman. En 2017, il met en scène la troupe du Théâtre Alexandrinski de Saint-Pétersbourg dans Kroum de Hanokh Levin. Il veille à ce que ces spectacles soient accueillis dans son théâtre dionysien.

Jean Bellorini est également invité à réaliser plusieurs mises en scène pour l’opéra. En 2016, il met en scène La Cenerentola de Gioachino Rossini à l’Opéra de Lille. En 2017, il crée la mise en espace d’Orfeo de Claudio Monteverdi au Festival de Saint-Denis et celle de Erismena de Francesco Cavalli au Festival International d’Art Lyrique d’Aix-en-Provence. Pour ces deux nouvelles créations, il collabore à nouveau avec Leonardo García Alarcón, chef d’orchestre qu’il avait rencontré en 2015 autour de La Dernière Nuit, une création originale autour de l’anniversaire de la mort de Louis XIV, au Festival de Saint-Denis. En 2018, il met en scène Rodelinda de Georg Friedrich Haendel à l’Opéra de Lille.

Son théâtre se déploie aussi là où on ne l’attend pas. Ainsi, en 2016, il réalise avec les acteurs de sa troupe un parcours sonore à partir de textes de Peter Handke pour l’exposition Habiter le campement, produite par la Cité de l’architecture et du patrimoine. En 2018, il participe avec certains membres de la Troupe éphémère à l’exposition Éblouissante Venise au Grand Palais (Paris), dont le commissariat artistique est assuré par Macha Makeïeff.

Depuis janvier 2020, Jean Bellorini est directeur du Théâtre National Populaire. Entouré de sa troupe et d’une constellation d’artistes associés, il œuvre pour un théâtre de création placé sous le signe de la transmission et de l’éducation, un théâtre poétique profondément ancré dans son territoire.

Ce TNP donne la part belle aux liens intimes qui unissent le théâtre et la musique. En octobre 2020, Jean Bellorini présente ainsi Le Jeu des Ombres de Valère Novarina lors de la Semaine d’art en Avignon. Le spectacle est récompensé par le Syndicat de la Critique et obtient Le Prix Georges-Lerminier (meilleur spectacle théâtral créé en province) et le Prix Technique (Jean Bellorini et Véronique Chazal pour la scénographie). Il fonde la Troupe éphémère villeurbannaise et crée, à l’occasion du Centenaire du TNP célébré en septembre 2021, Et d’autres que moi continueront peut-être mes songes, à partir de textes de Firmin Gémier, Jean Vilar, Maria Casarès, Silvia Monfort, Gérard Philipe et Georges Riquier. En avril 2022, il renoue avec les collaborations internationales et crée à Naples, avec la troupe Teatro di Napoli – Teatro Nazionale, Il Tartufo, une version italienne du Tartuffe de Molière.

En décembre 2022, il crée avec sa troupe Le Suicidé, vaudeville soviétique de Nicolaï Erdman dans une traduction d’André Markowicz. En avril 2023, il signe la mise en scène de la troisième création de la Troupe éphémère villeurbannaise, Fragments d’un voyage immobile, d’après des textes de Fernando Pessoa. Il travaille avec les comédiennes de l’Afghan Girls Theater Group  autour d’une adaptation d’Antigone de Sophocle : Les Messagères voient le jour en juin 2023 au TNP. En novembre 2023, il signe la mise en scène de David et Jonathas de Marc-Antoine Charpentier, créé à l’Opéra de Caen et dirigé par Sébastien Daucé.

En janvier 2024, il crée en Chine Les Misérables, d’après le roman de Victor Hugo, avec Yang Hua Theatre au Poly Theatre de Pékin. Il travaille actuellement à Histoire d’un Cid, d’après Corneille, qui verra le jour à l’été 2024 dans le cadre des Fêtes Nocturnes 2024 du Château de Grignan.